Parmi les archives de l’INA se débusque une petite merveille… La voici : le tout premier reportage sur l’aïkido en France, réalisé en 1964 dans le cadre de l’émission mensuelle Les Coulisses de l’exploit ! Prenons quelques minutes pour découvrir l’aïkido, son fondateur Morihei Ueshiba, son représentant en France André Nocquet, et surtout la manière dont cet art martial est perçu à son arrivée.
Qu’est-ce que l’aïkido ?
Très tôt dans le reportage, l’aïkido est défini par le commentateur comme « [la] voie d’accorder son esprit avec celui des autres, et par extension, à l’univers ».
Plus pragmatique, André Nocquet décrit « une méthode de combat très efficace dans la rue, […] une technique à mi-distance [qui] apporte beaucoup à l’être humain dans le concept de maîtrise de soi [et] le concept du bouddhisme zen, qui dit de faire le vide et de laisser agir le réflexe. ».
Reposant sur des mouvements circulaires, ses techniques ôtent toute force au partenaire attaquant (uke). De plus, en fléchissant les articulations dans le respect de leur flexibilité naturelle, elles contraignent le corps de ce dernier à perdre son équilibre. Ainsi, uke apprend l’art de tomber, afin de se libérer de la prise douloureuse, d’éviter une blessure, de reprendre son équilibre et de se relever.
La discipline est décrite comme idéale pour les femmes et les hommes mûrs, car la progression se fait tout au long de la vie.
Mais penchons-nous à présent sur son fondateur.
Morihei Ueshiba, le fondateur
Pour fonder l’aïkido, Ōsensei Morihei Ueshiba (1883-1969) se base en fait sur les arts martiaux qu’il a auparavant pratiqués – ju-jitsu, juken jutsu, etc. – pour en faire une synthèse.
Après avoir réservé son enseignement aux personnes de haut rang et à la police impériale au Japon, il fait évoluer son art vers un art pacifiste et ouvert au monde : « L’esprit de l’aïkido, c’est de sauvegarder l’amour. ».
Après la 2ᵉ guerre mondiale, l’aïkido commence à s’implanter en Europe et en France grâce à ses disciples Minoru Mochizuki et Tadashi Abe, relevés ensuite par leur élève français André Nocquet.
André Nocquet, l’envoyé
Le judoka André Nocquet (1914-1999) apprend l’aïkido à partir de 1949 avec Minoru Mochizuki. Après 3 ans passés auprès de Maître Ueshiba, il devient maître d’aïkido et en prend la direction technique au sein de la Fédération Française de Judo et des disciplines associées. Ainsi, l’histoire de l’aïkido est intimement liée à celle du judo, que ce soit dans le parcours de ses pionniers en Europe, ou dans sa présence institutionnelle en France dans les années 60.
Témoignages d’élèves
En 1964, on dénombre 200 000 pratiquants au Japon, et 18 000 en Europe, dont 4 000 en France.
Dès la 6ᵉ minute, le témoignage de 5 élèves d’André Nocquet exprime des besoins finalement liés aux conséquences de la vie moderne.
Tout d’abord, ils évoquent le besoin d’exercice physique afin de compenser la sédentarité.
Ensuite, une élève met en avant une recherche spirituelle, que l’on peut situer dans un contexte de sécularisation de la France et de découverte des cultures asiatiques.
Enfin vient la volonté d’apprendre des techniques d’auto-défense face à l’insécurité urbaine, entre autres vécue par des femmes qui souhaitent s’approprier, seules, l’espace public. Les toutes premières scènes du reportage montrent ainsi une femme, mais aussi un homme d’âge mûr, qui utilisent l’aïkido pour faire face à une agression dans la rue. L’aïkido est ici avant tout défini comme un « moyen de défense efficace » – ce qui peut sembler archaïque aux pratiquants d’aujourd’hui.
L’aïkido, la quête d’un idéal
Cependant, l’auto-défense, si elle introduit le reportage, n’est finalement pas la caractéristique qu’a choisie le commentateur pour la conclusion de leur reportage.
Il pointe plutôt son idéalisme, en citant Maître Ueshiba à la fin du reportage : « J’ai créé l’aïkido pour que tous les corps et tous les esprits soient sains. Je l’ai fait pour que tout le monde ne forme qu’Un et je m’en réjouis »… avant de conclure lui-même « […] puisse-t-il être entendu dans notre monde tourmenté ».